A Saint Ismier le 16 mars 1996.

 

                                                 La Cohabitation de plusieurs Reines.

 

 

 

                   Chacun connaît le  caractère  particulièrement exclusif   des reines  et de leur progéniture vis-à-vis d'une deuxième reine,   mais il  y  a  des   exceptions  et il est arrivé   à  un  certain  nombre d'apiculteurs  lors  de leurs visites de rencontrer  deux  reines  co habitant  dans la même ruche, habituellement la mère  et  la   fille, mais  il  ne s'agissait là que d'un  phénomène  temporaire.  D'où  la question  est-il  possible de faire cohab­iter de façon  durable  deux reines.  L'avantage  serait évident, le problème du  remérage  serait facilité et  la  colonie  serait sans  doute plus forte  donc  plus productive.

                   De  nombreux  essais ont été effectués  dans  les  années  60 notamment par les  Roumains CUDELCA et TIBACU et ceux-ci ont présenté en  1968  à  l'Exposition  Internationale d'Apiculture une colonie  à plusieurs  Reines. Sans  rentrer  dans le détail de leurs   travaux voici résumé leurs  conclusions  auxquelles   j'ai   ajouté   mes commentaires. On  choisira de préférence des abeilles douces ou  très douces,  bonnes  éleveuses de reines, les italiennes  ou  apparentées conviennent bien.

                   Très  tôt dans la saison on amputera le dard de  deux   ou trois reines en  le coupant vers le milieu avec  une   paire   de ciseaux   très  fins.  Cela ne handicape aucunement la  reine   ainsi que  je  l'ai vérifié sur une dizaine de reines. La méthode  la  plus simple   pour   effectuer  cette amputation est  de procéder sous légère  narcose  au  CO2 dans un appareil à in­séminer. L'amputation sans narcose est assez difficile à effec­tuer,  en effet la  reine  ne sort  pas  facilement  son  dard  courbe. On pourrait facilement confectionner   soi-même un petit équipement  comportant  une   loupe grossissant  de  5  à 10 fois, un petit tube de confinement  laissant dépasser l'extrémité  de l'abdomen à un bout et  connecté  à   une source   de  CO2 dé­livrant quelques bulles (1 ou 2) par seconde à l'autre bout. L'opération ne doit pas durer plus de 1 à 2  mi­nutes,la reine  est  alors  remise à l'air libre et se réveille rapidement.

                   Elle peut alors être réintroduite dans sa colonie ou bien   on procède à la phase suivante. Pour ce faire on réunit deux  reines sans  dard sous une cagette, genre micro-nucléus (10 x 10  x  2  cm), sans abeilles.

                   Les reines,  généralement, s'affrontent mais s'aperçoivent vite qu'elles ne  pourront éliminer leur adversaire et abandonnent  la  lutte, parfois elles s'offrent mutuellement de la nourriture.  A  partir de ce moment elles ne se combattront  plus  et peuvent   être introduites sur des cadres comportant   du   couvain prêt   à  éclore ou sortant de l'alvéole sans aucune abeille plus âgée.

                   Pour réussir cette opéra­tion, délicate, il faut l'effectuer lorsqu'il fait déjà chaud et qu'il y a abondance de nectar afin d'éviter tout pillage de cette colonie sans défense.

                   D'après  les  auteurs la cohabita­tion de  plusieurs  reines modifie fondamentalement l'équilibre des fonctions sociales   et biologiques de la colonie :

     - les abeilles deviennent très douces.

- l'instinct d'essaimage disparaît complètement.

- la  disparition  d'une seule reine sur une colonie comportant plusieurs reines provoque les mêmes symptômes qu'on rencontre chez les colonies orphelines. De même en cas d'incapacité de la  reine, la supersédure s'effectue normalement.

- les  abeilles perdent le sens de  l'agressivité  et  on   peut procéder à l'unification de colonies sans précautions particulières.

    - on peut introduire jusqu'à 10 reines dans une même  colonie,  ces colonies peuvent  alors  être  géantes  et  ne  sont évidemment utilisables qu'en apiculture sédentaire.